Carême protestant : une tradition réinventée
Le terme carême protestant peut sembler paradoxal, tant ces deux notions ont longtemps été considérées comme incompatibles dans la tradition réformée. Jean Calvin, dans son Institution de la religion chrétienne (Livre 4, chap. 12, § 20), critiquait déjà les pratiques de jeûne méritoire en affirmant qu’elles corrompaient le véritable sens du jeûne chrétien. Il dénonçait l’idée que le carême puisse être une manière de « faire un beau service à Dieu », en se référant à l’exemple de Jésus-Christ (Mat. 4:2).
Dans le monde réformé francophone, le carême était pratiquement absent jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle. Toutefois, dès le XIXe siècle, on retrouve des références aux quatre dimanches de la Passion et au service d’humiliation précédant le dimanche des Rameaux. La tradition luthérienne, quant à elle, évoque également les dimanches de carême et les rythmes liturgiques, tout en partageant les réserves des réformés sur les pratiques de mortifications méritoires.
Un nouveau sens du carême protestant
Depuis près de 90 ans, l’expression carême protestant a émergé dans la sphère francophone grâce aux conférences de carême, influencées par le mouvement œcuménique. Ce temps liturgique est désormais perçu comme une période de préparation pascale, non pas pour mériter quoi que ce soit, mais pour créer un espace dans nos vies surchargées afin d’être attentifs à la Grâce divine.
Le jeûne prend aujourd’hui un nouveau sens : il ne s’agit plus uniquement de réduire la consommation alimentaire, mais aussi d’examiner notre rapport aux médias et aux technologies. La surconsommation médiatique et l’hyperconnexion – télévision, réseaux sociaux omniprésents, chaînes d’information en continu – nous plongent dans une boucle émotionnelle qui limite notre capacité à réfléchir sur les événements.
Réflexion sur notre consommation médiatique
Il est urgent de repenser notre mode de consommation des informations et des médias. Le but n’est pas de diaboliser ces outils modernes, mais plutôt d’apprendre à prendre du recul pour mieux comprendre et analyser ce qui nous entoure. Le carême protestant peut ainsi devenir un moment privilégié pour ralentir et retrouver une connexion plus profonde avec soi-même et avec Dieu.