John Spong : « Le catholicisme risque de disparaître dans 50 ans »
Mgr John Shelby Spong était présent à Paris au début du mois de juin pour la sortie de son livre, Jésus pour le XXIe siècle*. Un homme qui a donné sa vie à Dieu et à l’Église, mais qui remet constamment en question le fonctionnement de celle-ci.
« L’apôtre Paul était probablement un homosexuel refoulé. » Les journalistes, interloqués, regardent le prêcheur américain. L’évêque épiscopalien anglican émérite, 83 ans, poursuit tranquillement son monologue et appuie ses propos en se référant de façon très précise à la Bible. John Shelby Spong est un habitué des déclarations ou des actes chocs. En décembre 1989, contre l’avis de son diocèse, il avait été le premier évêque à ordonner prêtre un homme ouvertement homosexuel. Il est aussi l’un de ceux qui militent pour une discussion plus ouverte sur la contraception. Auteur de plus de vingt-quatre livres, Mgr Spong est aussi un ardent défenseur de l’égalité des sexes et des races.
Pourtant, l’octogénaire revient de loin. Il avoue lui-même avoir été sexiste ou quelque peu raciste dans sa jeunesse. Aujourd’hui, père de trois filles et marié depuis quelques dizaines d’années, son avis sur la gent féminine a complètement changé. Il a d’ailleurs été l’un des militants les plus ardents à vouloir donner aux femmes une place plus conséquente dans le clergé épiscopalien. La discrimination raciale est devenue l’un de ses plus grands combats. Autoproclamé ennemi numéro 1 du Ku Klux Klan, il décrit Desmond Tutu, l’archevêque sud-africain, comme l’une des figures les plus importantes de sa vie. À la demande de ce dernier, l’Américain était d’ailleurs présent au moment de son ordination épiscopale.
La religion catholique peut mourir
Aujourd’hui, le combat de Mgr Spong est simple. Il veut redéfinir la foi chrétienne et la rendre crédible. Légitime. Pour lui, telle qu’elle apparaît aujourd’hui, elle ne peut attirer plus de croyants, ni renforcer la foi de ceux qui croient déjà. « Il y a de grands risques que la religion catholique, telle qu’elle existe aujourd’hui et dans sa façon d’opérer, n’existe plus dans une cinquantaine d’années.» Des mots terribles qu’il explique au fur et à mesure de son propos. Le principal défaut de l’Église, selon lui, est son incapacité à adapter le langage biblique à son temps.
L’une de ses théories les plus controversées reste que Marie, mère du fils de Dieu, n’était pas vierge lorsqu’elle enfanta Jésus Christ, et qu’il est impossible qu’une femme tombe enceinte par l’action de l’Esprit Saint. Une théorie qui rend, selon lui, le message de l’Église difficilement acceptable pour les non-croyants et ceux qui rejettent les doctrines chrétiennes. L’évêque émérite se demande aussi pourquoi l’Église s’évertue à entretenir l’illusion que Jésus faisait des miracles. Que Lazare sortit de sa tombe trois jours après sa mort ou que les malades furent guéris par la main de Jésus sont, selon lui, des évènements qui n’ont jamais eu lieu. Il explique, encore une fois de façon très précise et bibliquement documentée, que pour lui, les personnes possédées par des esprits étaient en fait des gens souffrant d’épilepsie. Une réponse logique mais qui secoue les croyances d’une Église catholique qui compte plus d’un milliard de croyants.
De nombreux détracteurs
John Spong voyage souvent, de conférences en conférences, à travers le monde. Ses nombreux déplacements lui ont donné une vision du monde, plus précisément de l’univers chrétien, qui est très élargie. Cela lui donne-t-il pour autant une crédibilité inattaquable? Ses détracteurs restent nombreux. L’un des plus célèbres demeure l’ancien primat de l’Église anglicane, Rowan Williams. Celui-ci considère certaines théories de Mgr Spong comme étant confuses et relevant d’une succession de mauvaises interprétations de la parole biblique.
Lorsqu’on lui demande s’il a conscience que ses propos pourraient ébranler la foi de plusieurs centaines de millions de personnes, il répond : « Leur foi doit être bien fragile s’ils doutent aussi facilement… » Celle de John Spong est pourtant indéniable. Lecteur assidu de la Bible, il dit aujourd’hui que c’est le message de Jésus Christ qui doit être compris et que ses exploits « paranormaux » ne devraient plus être brandis pour exprimer le caractère divin du fils de Dieu. Un homme de Dieu, précurseur de son Église épiscopalienne, qui n’hésite pas à bousculer et à déranger. Un subversif. Un vrai.
(*) Jésus pour le XXIe siècle, John S. Spong, Karthala, Paris, 336 p. 19 euros. Publié il y a 7 ans aux États-Unis, vendu à plus de 150 000 exemplaires, ce livre est destiné à ceux qui ne croient pas en Dieu et qui remettent en cause les doctrines chrétiennes. John Spong souhaite aussi que l’on lise la vie de Jésus Christ avec les yeux d’un juif de l’époque. On peut ainsi, selon l’auteur, mieux comprendre les réactions et les actes de Jésus, lui-même juif et élevé selon les coutumes juives. Une œuvre qui sort des sentiers battus et tente d’esquisser le visage de la chrétienté pour le XXIe siècle.
Auteur: JPO. François
source: lemondedesreligions.fr