(Québec) L’urologue-oncologue et entrepreneur Yves Fradet devait garder la tête froide hier. DiagnoCure – la biotech qu’il cofondait en 1994 – vient d’atteindre la terre promise. La Food and Drug Administration autorise la vente en sol américain de son test Progensa PCA3 conçu pour aider les médecins à prendre une décision plus éclairée dans la gestion du traitement du cancer de la prostate d’un patient. Après avoir répondu à l’appel du Soleil, il filait vers la salle d’opération. «Un cas compliqué.»
Le titre de DiagnoCure (TSX: CUR) s’est enflammé, hier, à la Bourse de Toronto. Il a terminé la journée à 0,99$, en hausse de 0,28$. Une augmentation de 40%. Yves Fradet dit avoir une pensée pour les actionnaires qui n’ont cessé de croire en la mission de la compagnie, qui consiste à développer des tests diagnostiques pour le cancer. «Certains de nos investisseurs ont fini par se tanner. Ceux qui sont restés viennent d’être récompensés.»
Le développement du biomarqueur Progensa PCA3 ressemble à une traversée du désert. Les premiers travaux menés par DiagnoCure remontent en 2000. N’ayant pas les poches suffisamment profondes pour poursuivre les recherches, DiagnoCure signait une entente de partenariat, en 2003, avec la société américaine Gen-Probe pour le développement et la commercialisation mondiale du test. Selon Yves Fradet, Gen-Probe a investi plus de 50 millions$ pour faire les études cliniques et s’acquitter des frais liés à l’homologation du produit.
Le biomarqueur est un test urinaire moléculaire qui aide à déterminer si une reprise de biopsie est requise chez un patient ayant déjà obtenu un résultat négatif lors d’une première biopsie. Le dépistage habituel du cancer de la prostate s’effectue en mesurant le niveau d’antigène spécifique de la prostate (PSA) dans le sang de pair avec un toucher rectal. Un peu plus de 45 millions de tests PSA sont pratiqués annuellement. Selon DiagnoCure, la sensibilité du test est remise en question par la communauté scientifique. On dénote un nombre élevé de résultats faussement positifs qui entraînent plusieurs biopsies inutiles et coûteuses.
Réduire les biopsies
«Plus on fait de biopsies, plus les risques de complications augmentent», ajoute le Dr Fradet. «Une biopsie de la prostate, ce n’est pas bénin. Il faut introduire une sonde dans le rectum. Dans près de 5% des cas, il arrive des complications sérieuses [saignements et fièvre] qui peuvent conduire à une consultation à l’urgence. Il y a une volonté de réduire le nombre de biopsies.»
Rappelons que le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme. Un homme américain sur six est susceptible d’avoir le cancer de la prostate et un homme sur 36 en mourra.
L’entente avec Gen-Probe prévoit que la biotech québécoise recevra des redevances de 8% sur les ventes du test – un biomarqueur est vendu 100$ – jusqu’à des ventes cumulatives de 62 millions$US. Dès que les ventes excèdent ce montant, le pourcentage grimpe à 16%. Puisque le produit est déjà vendu au Canada et en Europe, DiagnoCure a déjà empoché 27 millions$US en redevances. «Avec cette percée sur le marché américain, les ventes vont augmenter rapidement», explique le Dr Fradet. «D’ici un an ou deux, on va être en mesure de doubler nos redevances pour chaque test vendu.»
Selon DiagnoCure, les ventes potentielles de Gen-Probe pour le Canada, les États-Unis et l’Europe s’élèvent à 180 millions$US pour la première «indication». Cette première «indication» vise l’utilisation du test pour aider à décider si une biopsie de reprise s’avère nécessaire. D’autres utilisations pourraient éventuellement augmenter ce marché, notamment pour éclairer le médecin sur le risque de la présence d’un cancer avant même la première biopsie.
La hausse des revenus permettra à DiagnoCure d’accélérer ses découvertes de nouveaux tests diagnostiques et d’ajouter du personnel à son équipe d’une quinzaine de scientifiques.